Prochain séminaire SOGIP « Perspectives comparatives sur les droits des Peuples autochtones » sur le thème « le développement en question « bien vivre » ou « vivre mieux »? », Paris, EHESS, 13 mars 9h-13h
L’équipe SOGIP a le plaisir de vous inviter à la 5ème séance du séminaire SOGIP 2013-2014 « Perspectives comparatives sur les droits des peuples autochtones » sur le thème :
Le développement en question : « bien vivre » ou « vivre mieux » ?
Le jeudi 13 mars 2014. De 9 h à 13 h.
En salle du conseil A, R -1, bâtiment Le France, 190 198 avenue de France, 75013 Paris. Ouvert à tous.
Depuis 20 ans, les représentants des peuples autochtones critiquent les programmes de développement qui les concernent ou les affectent. Ils sont aujourd’hui engagés, au niveau international, dans une révision des Objectifs du Millénaire et la définition de leur contribution à l’agenda dit post-2015. La distinction entre les perspectives du « bien vivre » (option autochtone) et du « vivre mieux » (option occidentale) mérite d’être revisitée, à partir des indicateurs, des critères, des logiques de mesure du développement. Est-il possible de proposer des critères alternatifs à ceux proposés par les agences de développement ? Comment mesurer ce que développement durable veut dire dans la temporalité du court terme des projets dits de développement ? Est-il possible de concilier des tendances totalement contradictoires par le seul usage d’une catégorie à la mode ?
• Raphaelle Pariset (CERAPS/CNRS/Université Lille 2) – Une expertise normalisatrice. Les impensés sociaux et culturels de la mesure du développement.
Depuis une dizaine d’années, des indicateurs développement présentés comme « culturellement pertinents » sont élaborés au sein d’organismes internationaux comme le PNUD ou au sein d’agences nationales comme la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones (CDI) au Mexique. La « pertinence culturelle» des indicateurs est présentée comme un modèle d’action ancré dans la connaissance du tissu social qui traduirait une expression du « bien vivre ». Elle passe par l’utilisation et la transformation du savoir des sciences statistiques et sociales. Il semble en effet que la finalité des « indicateurs avec identité » comme pratique de ciblage renvoie à la construction d’une catégorie d’intervention de l’action publique.
Cette communication propose d’appréhender de manière critique la construction d’indicateurs de développement et considère deux d’entre eux élaborés au Mexique, l’Indice de développement humain – peuples autochtones (IDHPI) et l’Indice de retard social (IRS). Présentés comme alternatifs, ceux-ci s’avèrent des plus classiques et s’inscrivent dans une logique institutionnelle historique. Loin de ne renvoyer qu’à un seul discours « calculateur » de cadrage de la question autochtone, l’action néo-indigéniste passe par des instruments de gouvernement qui se traduisent dans des pratiques et des modalités concrètes de gestion des populations indiennes. En plus d’être une technique intellectuelle, ce sont des dispositifs de pouvoir qui constituent une des facettes de l’« art de gouverner » les populations autochtones, dans le sens où ils contribuent à les « façonner ». Si les savoirs experts sont présentés par leurs promoteurs comme traduisant une vision neutre et apolitique de la question autochtone, ils renvoient à une expertise normalisatrice et à une forme de production sociale du politique spécifique, celle du « vivre mieux » occidental, construite à partir des activités techniciennes de la CDI et du PNUD.
• Denis Chartier (CEDETE, Université d’Orléans) – La guerre des Mondes. Du télescopage entre modèles de développement durable en Amazonie brésilienne.
L’Amazonie brésilienne est le théâtre d’une confrontation entre différents modèles de développement durable. Schématiquement, il existe d’un côté une version « molle » du développement durable, portée par les grands propriétaires terriens, par les « organisations du capital ». Il s’agit ici d’accéder à un « vivre mieux » par la croissance économique, en favorisant des conceptions productivistes et néodéveloppementistes parées de leurs plus beaux atours « verts ». De l’autre côté, existe une version du développement durable en rupture avec le récit dominant productiviste et développementiste, plutôt portée par les paysans familiaux et les populations autochtones (caboclo, amérindiens). Dans ce cas, ce sont les capacités de reproduction des écosystèmes qui déterminent un développement qui s’appuie sur les pratiques des populations traditionnelles (pratiques à travers lesquelles on mobilise de plus en plus les notions de justice environnementale, de buen vivir, de biens communs, de Terre-mère).
À partir des résultats de terrains, réalisés principalement auprès de populations caboclo dans des réserves extractivistes, dans des réserves de développement durable et autour du site du barrage de Belo Monte (Para-Brésil), nous questionnerons ces différentes versions du développement durable et tenterons de cartographier les Mondes qui s’entrechoquent ici. Nous montrerons que ces différentes conceptions du développement, que ces différentes visions du Monde s’interpénètrent, se télescopent et rendent extrêmement difficile l’émergence, la mise en place et la pérennisation de modèles de développement alternatifs favorisant un « vivre bien » plutôt qu’un «vivre mieux ».
• Jean-Michel Sourisseau (CIRAD) – Ruralité et développement durable en Nouvelle-Calédonie
En Nouvelle-Calédonie, le référentiel du développement durable diffusé à l’échelle internationale semble avoir peu influencé les représentations locales du développement, et notamment du développement rural. La configuration politique spécifique de décolonisation négociée (enclenchée à partir de 1988), et la dépendance au modèle d’économie assistée (construit dans la relation avec la France), ont conduit à « neutraliser » cette référence globale. L’espace discursif est d’abord occupé par les notions de rééquilibrage et de destin commun, qui présentent la particularité de ne pas relever de la stratégie dépolitisante induite par les programmes de développement durable et préconisée à l’échelle internationale. Ce n’est ainsi qu’au milieu des années 2000 que des acteurs, pour la plupart extérieurs au territoire, ont introduit le discours du développement durable par rapport à des enjeux spécifiques (négociations minières, politique environnementale). Ce discours sera repris pour « mettre en forme » des opérations déjà en cours, et notamment les opérations de développement local et agricole. Mais au final les dispositifs de politique publique mis en œuvre continuent de se référer davantage au rééquilibrage et au destin commun qu’à la rhétorique classique du développement durable, à savoir la prise en compte simultanée de l’environnement naturel, de l’économique et du social.
Pour plus d’information http://www.sogip.ehess.fr